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Les fouilles du site de Collonges-les-Premières « Le devant de la Fortelle » révèle un important site aristocratique établi à la charnière entre le Xe et le XIe siècle. Parmi les constructions sur poteaux, le bâtiment d'habitation, composé de trois ailes articulées autour de deux corps quadrangulaires, se singularise avec des dimensions importantes (30 x 18 m) et l'utilisation de poteaux de gros diamètre (entre 0,60 et 1,10 m).
À cet habitat seraient associés des aménagements hydrauliques très élaborés (captage de la source du site, installation d'importantes galeries drainantes).
L'association du château ou du manoir, et de l'étang est une constante dans le grand ouest. Plus de 75 % des manoirs bretons sont associés à un étang et souvent à un ou plusieurs moulins. Cette relation privilégiée à l'eau est donc une évidence dès la fin du Moyen Âge, mais qu'en est-il pour les siècles précédents ? La reprise de l'inventaire des sites à motte et des châteaux dans les anciens comtés de Vannes et de Porhoët (ensemble du Morbihan et sud des Côtes-d'Armor) permet de répondre à cette question à partir d'un corpus de près de 200 sites.
Il apparaît très clairement que la relation entretenue par ces fortifications avec l'eau a évolué depuis le Xe siècle : si les premiers châteaux et mottes utilisent principalement l'eau et les principaux cours d'eau comme moyen de défense, on observe progressivement un détachement vis-à-vis de ces grands cours d'eau au profit d'une proximité de petits cours d'eau permettant l'aménagement d'étangs.
Cette préoccupation, principalement économique, se développe très nettement au XIIIe siècle comme le montrent les textes disponibles pour la région. Il est donc particulièrement intéressant de poser la question de la relation entretenue avec les cours d'eau et les aménagements fluviaux par les sites fortifiés selon leur nature (château, motte ou enceinte), leur datation (du Xe au XVe siècle) et leur possesseur (duc, vicomtes ou vassaux).
L'inventaire, ainsi que des données archéologiques récentes autour des sites ducaux, permettent de répondre, pour la Bretagne, à la question du rôle de l'eau dans l'installation et le développement des pouvoirs seigneuriaux et princiers.
Pour un château fort de montagne, disposer d'une source intérieure constituait un avantage précieux sur les plans pratique et défensif. Ce cas de figure idéal n'est cependant pas attesté en Alsace où les sources jaillissent toutes à l'extérieur des châteaux, à une distance plus ou moins importante, pratiquement toujours en contrebas. Elles étaient donc accessibles en temps de paix, mais non en cas de siège, les assiégeants s'empressant d'interdire leur accès et de couper la conduite lorsqu'il en existait une.
Le mode de captage le plus courant pour une source jaillissant à flanc de pente était la mise en place d'un tuyau et d'une auge en bois dont il ne subsiste aujourd'hui plus de traces, seuls les vestiges de quelques captages en pierre étant conservés. Compte tenu de l'accès difficile de nombreux châteaux de montagne, les animaux utilisés pour le portage de l'eau étaient surtout des ânes et des mulets, aptes à se déplacer en terrain escarpé ou rocailleux. On pouvait également avoir recours à des chevaux lorsque l'état des chemins le permettait.
Le portage était moins pénible lorsqu'une source jaillissait à une altitude plus élevée que celle du château. Cette corvée pouvait même être évitée en cas de relief favorable permettant la pose d'une conduite d'eau par gravité.
Durant leur période de construction, les châteaux forts de montagne ne disposaient pratiquement jamais d'un puits. Les citernes, quant à elles, ne pouvaient pas recevoir d'eau de pluie avant que les bâtiments ne soient munis de couvertures. Les sources et les ruisseaux coulant à proximité constituaient donc le principal moyen pour obtenir de l'eau qu'il fallait acheminer par portage.
Une fois la construction achevée, un apport extérieur, continu ou momentané, pouvait être nécessaire pour différentes raisons : absence de point d'eau intérieur ; désir de disposer d'une eau de bien meilleure qualité que celle des puits et citernes, en particulier pour la consommation personnelle et la préparation des aliments ; besoins supérieurs au débit du ou des points d'eau du château, par exemple lors d'une importante campagne de construction ; tarissement du puits ; citernes défectueuses ; constitution de réserves en cas de menace de siège, etc.
En 1334, le traité de Chapareillan (Grésivaudan) entre le comte de Savoie et le dauphin de Viennois, résout plusieurs causes de l'âpre conflit que se livrent ces deux princes depuis 50 ans dans la plaine de l'Ain, au sud de Pont-d'Ain. Les châteaux de Saint-Germain et des Allymes sont acquis par le comte et le long fossé qui barrait la plaine d'est en ouest est en partie détruit. Ce n'est pas la paix, loin s'en faut, mais les menaces et les chevauchées sont moins nombreuses. L'argent englouti par la guerre peut être dépensé ailleurs.
La forteresse de Pont-d'Ain, située sur un petit promontoire au-dessus de la rive droite de l'Ain, est alors transformée en un château de résidence au cours de travaux énormes.
La rivière qui s'étale à ses pieds est large et en période de basses eaux, il est possible de la traverser à gué, malgré le pont reconstruit en 1296. Cela facilite le passage des resquilleurs pour ne pas emprunter le pont et s'acquitter du péage, les partisans du dauphin n'ont pas trop de difficultés pour venir attaquer le château, malgré les palissades mises en travers du lit de la rivière et en été, le moulin flottant s'échoue par manque d'eau.
Durant l'été 1334, un long canal est creusé pour dériver une partie de l'Ain et le faire passer au ras de l'enceinte du bourg castral. Il y a ainsi, tout au long de l'année, un flux continu et puissant qui solutionne tous les problèmes liés à l'étalement de la rivière. Ce canal existe encore. Il y a quelques décennies, il alimentait toujours un moulin.
La comptabilité savoyarde est pragmatique et tatillonne. La moindre dépense fait l'objet d'une description détaillée des travaux, des moyens mis en œuvre et des dépenses engagées. Les historiens en font leur miel et en l'occurrence, il est possible de suivre l'avancement des travaux de ce canal et de sa mise en eau « comme si nous y étions ». On peut s'émerveiller de l'intelligence des maîtres d'œuvre qui, sans pouvoir le définir scientifiquement, utilisent sciemment l'effet de Venturi (mécanique des fluides). À cela s'ajoute, un vocabulaire technique extraordinaire fait de termes latins et d'un langage vernaculaire local qui enrichit de manière considérable les glossaires et nos capacités à comprendre les travaux et leurs réalisations au Moyen Âge.
La péninsule bretonne offre des centaines de kilomètres de littoraux avec une multitude d'îles, de presqu'îles, d'îlots, de promontoires et de rias, parties maritimes des fleuves, dont les sites ont pu se prêter à l'implantation de châteaux. Ces forteresses ont été des ouvrages de contrôle et de surveillance d'un littoral fréquenté, parsemé de dizaines de « ports » et soumis à des descentes ennemies, notamment anglaises. Bien plus que sur le littoral lui-même, c'est au fond des estuaires, au premier point de passage guéable par une route établie en retrait du littoral qu'ont pu être implantées des forteresses générant des « villes fluvio-maritimes ».
On a alors pu privilégier un site de hauteur ou, au contraire, implanter le château au plus près de l'eau, du pont et de ses corollaires, moulins et retenues d'eau qui ont contribué à sa défense ainsi qu'à celle du port, véritable porte d'entrée pour un envahisseur mais aussi interface commerciale. Seront successivement évoqués la typologie de la trentaine de sites « maritimes » retenus, îles, promontoires, bords et fonds d'estuaires, et les caractères généraux liés à la problématique du château et de l'eau au travers de quelques exemples remarquables associant le château, le pont et le port.
La ville de l'Écluse est généralement connue pour deux aspects historiques la concernant : d'une part pour avoir été le lieu de la première grande bataille navale de la guerre de Cent Ans, le 24 juin 1340, au cours de laquelle les troupes du roi anglais Edouard III remportèrent une victoire face à Philippe VI de Valois ; d'autre part pour être l'avant-port de la ville de Bruges, ville commerciale opulente et porte maritime de la Flandre, qui abrite l'une des résidences majeures des ducs de Bourgogne de la dynastie Valois.
À partir de 1386, Philippe le Hardi y fait construire une imposante forteresse destinée à éviter le péril anglais venant de la mer et menaçant la Flandre maritime, enjeu économique et politique majeur des relations entre Bourgogne, France et Angleterre.
La communication visera à comprendre les spécificités de la construction et de l'organisation spatiale de cette forteresse toute entière tournée vers le contrôle de la mer. Ces données seront mises en perspective par une réflexion sur les contextes politique, militaire et économique, afin de comprendre les enjeux liés au contrôle des eaux fluvio-maritimes flamandes par la forteresse de l'Écluse.
La petite ville médiévale d'Estavayer-le-Lac est riche de trois châteaux. À la fin du XIIIe siècle, deux sont édifiés par les coseigneurs d'Estavayer et renforcent l'enceinte de la ville qui, simultanément, s'est agrandie et a été close de murailles, précédées de braies et d'amples fossés. L'agglomération s'est installée sur un point de fracture de la falaise molassique, permettant le lien entre le lac et le plateau avoisinant plus élevé. Des ruisseaux convergent à cet endroit et ont formé un delta alluvial sur lequel s'est installé le port d'Estavayer. Le débit des eaux entrant en ville à travers les enceintes a été régulé, les fossés défensifs ont servi de canaux de dérivation.
Cela a évité aux habitants les ravages des brusques crues dans l'intra muros et protégé notamment leurs moulins. En amont de la ville, les fossés ont reçu en 1423 un grand bassin de rétention, qui, connecté au réseau d'égouts, a autorisé une bonne gestion de la voirie et contribué à la lutte contre l'incendie. Ce bassin a fait l'objet d'un entretien constant jusqu'en 1906, année de la découverte de sources nouvelles et abondantes et de l'introduction de l'eau sous pression. Il a fourni une multitude de services connexes à l'édilité dont notre exposé dressera l'inventaire.
Dans le dossier sur l'alimentation en eau des châteaux, qui désormais fait l'objet d'études détaillées, dont le colloque du CeCaB a rendu compte l'an passé, il manque un volet sur les sources. Les prospections en Franche-Comté ont permis de détecter de façon assez systématique des aménagements autour de telles sources, disposés en dehors des enceintes, mais à des distances relativement proches. Les vestiges conservés, jusqu'à présent non fouillés, sont difficiles à dater, mais, dans certains cas, encore en usage à l'époque moderne.
L'exposé présentera les divers cas de figure rencontrés pour poser la question de leur fonction. Une hypothèse forte permettrait d'y voir une ressource primordiale pour l'eau potable : bien qu'en dehors de l'espace fortifié, les sources sont toutefois accessibles aux habitants de nos châteaux en période de paix, ce qui pourrait être une situation plus fréquente que les temps de crise. Leur avantage serait donc de proposer en temps normal une eau moins nauséabonde que celle des citernes intra-muros.
Notre perception du phénomène castral considère souvent que les forteresses des premiers siècles du Moyen Âge privilégient les sites perchés et que l'environnement d'étangs et de douves est l'apanage de la fin du Moyen Âge si ce n'est du début de l'époque moderne. En réalité, bon nombre de sites castraux précoces ont recherché l'eau (îlot dans le cours d'un fleuve, implantation de marécage ou de zone inondable, installation sur une chaussée artificielle d'étang) et ce dès le XIe siècle. Les motivations de cette quête d'un milieu aquatique sont multiples.
Outre la possibilité de s'approvisionner facilement en eau, elle tient souvent plus à la recherche d'une mise en défense aisée par l'inondation des fossés. La dimension économique doit évidemment aussi être prise en compte : l'étang est un support d'alimentation (le poisson), de revenu (par sa location) et convient parfaitement à l'implantation de moulins ; il peut être employé pour des activités de métallurgie. L'étude proposée s'appuie sur un certain nombre de cas exemplaires du nord-est de l'Aquitaine ducale (Angoumois, Limousin, Périgord).
Il s'agit de présenter un site élaboré au XIVe siècle puis très peu modifié jusqu'au XIXe puis resté en l'état.
Un domaine de 60 ha avec château (manoir), lacs ,réseau hydraulique complexe et savant, digues, viviers, trois moulins, biefs, latrines, canaux d'arrivés, de surverses, de fuites et dépendances etc.
Mon intervention en restauration de l'ensemble m'a conduit a faire protéger aux MH l'ensemble du domaine et pas seulement le logis, tant la thématique de « l'eau et des hommes » qualifiait le site.
Je propose de présenter le site, son histoire, la topographie et le réseau hydraulique naturel ainsi que les ouvrages construits, les architectures qui ont conduit à la démarche particulière de protection aux Monuments Historiques.
Les châteaux de Drée et de Bussy-la-Pesle en Côte-d'Or, situés de part et d'autre d'une même colline, sont implantés dans des vallées encaissées. Les plates-formes semblent posées directement sur la rivière et forment avec leur moulin une digue.
Dans les deux cas, le village et l'église paroissiale sont en amont, au risque d'être inondés en cas de forte crue. Les eaux sont drainées par des canaux le long des rues et des maisons, puis arrivent jusqu'en bas du village où elles sont scindées en deux. D'un côté, elles alimentent les fossés des châteaux ainsi que le puits de ces derniers, de l'autre elles sont dirigées par un bief jusqu'à la roue du moulin. Nous envisagerons également le cas de Verrey-sous-Drée, un peu différent.
Après une présentation de ces cas, qui à ce jour, n'ont pas trouvé de comparaison, il s'agira d'essayer de comprendre les motivations de ces implantations curieuses.
Campée au point de rupture de charge sur une rivière prenant sa source dans le comté d'Artois, la forteresse comtale d'Aire garantissait la sécurité d'une ville considérée comme la « porte de Flandre ». Autour de cette place modeste, l'eau était omniprésente, indispensable mais polyvalente.
Sa présence quotidienne, parfois excessive ou encombrante, se révélait d'abord amicale ou nourricière (viviers, moulins, irrigation) mais se transformait rapidement en alliée quand l'Anglais ou le Flamand rôdait dans le pays. Les applications militaires ne se limitaient pas aux inondations défensives mais incluaient aussi le transport de matériaux, d'artillerie, voire de combattants blessés lors de la bataille d'Enguinegatte (1479).
L'eau est omniprésente dans la seigneurie de Brugny, un site localisé à quelques kilomètres d'Épernay, à mi-pente de l'un des versants du val du Cubry, greffé à la Marne et la côte d'Île-de-France. Une source dans l'ancienne basse cour de l'actuel château alimente en permanence les douves d'un ouvrage dont les fondements (plan quadrangulaire flanqué de tours circulaires et carrées) sont probablement l'œuvre du comte de Saint-Pol et de son épouse (douaire) au début du XIIIe siècle.
Dans la réserve, eaux stagnantes, ruisseaux et rivières alimentent des moulins et divers plans d'eau qu'une belle documentation de la fin du Moyen Âge (censiers, comptes) jointe à une étude de type archéologique (terrain, cadastre) permet d'appréhender assez concrètement : typologie, superficie, fonction, entretien et réparations, revenus. Les étangs (« viviers » évoqués au début du XIVe siècle) remontent au moins pour partie au XIIIe siècle. La faune aquatique fait l'objet d'un véritable élevage et d'un trafic rémunérateur (ventes des carpes et des brochets). Les revenus de la pêche contribuent à amorcer au terme du XVe siècle la tardive reprise seigneuriale et à dégager les capitaux nécessaires aux réparations et reconstructions du bâti seigneurial.
Le siège de Condé-sur-l'Escaut (59), mené en avril 1676, donna lieu à un épisode tout à fait original de l'art obsidional à l'époque de Louis XIV. La ville hennuyère, située à la confluence de l'Escaut et d'un de ses affluents, la Haine, bénéficie de ce fait de vastes zones marécageuses qui facilitent sa mise en défense.
Dès 1675, Louis XIV et son « cabinet de guerre » se préoccupent, à l'instigation de Vauban, de la prise de Condé et de la façon d'en mener le siège. Vauban planifie la construction d'une redoute flottante et l'affrètement de galiotes et de barques armées pour mettre la ville sous le feu de l'assiégeant côté inondation, Louvois s'occupant en personne de la construction de la redoute à Versailles. Tandis que la flottille se prépare dans le plus grand secret à Audenarde, des officiers de marine sont spécialement dépêchés de Dunkerque pour en assurer le commandement.
Le siège, entrepris le 21 avril 1676, s'acheva dès le 26 avril par la capitulation de la garnison espagnole, dont une partie avait été envoyée à Mons à la suite des manœuvres de déception menées par Louvois.
Les fossés inondés constituent, autour des sites castraux médiévaux et des enceintes urbaines, un atout de la défense. Dans les sites de plaine, cette eau défensive est d'abord essentiellement passive : le fossé, voire le plan d'eau, vivier parfois, est un obstacle peu, voire pas du tout franchissable.
À partir du XVIe siècle et de la transformation de la fortification en rempart bastionné, l'eau va être non seulement un atout défensif passif, mais aussi activée par des jeux d'écluses et de batardeaux pour en faire un élément de défense active : les ingénieurs sont désormais à la manœuvre. Quelques exemples d'Europe du Nord-Ouest illustrent cette évolution : Fagnolles, Walhain-Saint-Paul, Gand, Bruges, Gravelines, Bergues-Saint-Winoc, Calais…
L'introduction des techniques d'adduction d'eau dans les forts du Deccan suite aux conquêtes des dynasties turques du nord de l'Inde et avec l'influence iranienne ont permis de faire de l'eau un atout primordial dans la guerre en Inde. Avec l'évolution des techniques d'adduction et de conservation sous plusieurs formes (d'abord par la création de lacs et de bassins, mais aussi par des puits, qanats, barrages, tours d'eau, baolis, tuyaux…) les élites peuvent développer des réseaux fortifiés plus denses et y apporter des jardins d'agréments et des palais d'eau. Ces techniques serviront par la suite le domaine de l'agriculture en nourrissant les terres fertiles du Deccan.
À travers l'exemple du fort de frontière de Naldurg au Maharashtra, nous verrons quelles ont été les solutions données par l'aménageur pour répondre aux besoins importants en eau de ce fort de garnison situé sur les bords de la rivière Bhima, barrée à l'occasion par un des plus vieux barrages du sous-continent.
Situés pour la plupart dans des cuvettes alluviales, les châteaux et villes de ces régions bénéficièrent naturellement non seulement de la défense procurée par des fossés en eau, mais encore de la possibilité d'en capter la force hydraulique pour faire tourner des moulins. Des aménagements furent nécessaires, détournement de rivières ou creusement de canaux, création de retenues ou de plans d'eau grâce à des batardeaux, etc.
Autour du château et/ou de la ville, les ressources des viviers domaniaux assuraient aussi un complément d'alimentation important aux habitants. Mais à partir du début du XVIe siècle, ces conceptions, qui reflétaient une vision intégrée de l'économie domaniale, cédèrent la place aux impératifs militaires : des écluses militaires renforcées d'ouvrages adaptés à l'artillerie eurent désormais comme rôle de tendre aux seules inondations défensives.
Les jardins-îles forment une catégorie de l'architecture des jardins de la Renaissance, illustrée par Jacques Androuet du Cerceau dans Les plus excellents bastiments de France (1576-1579), qui se décline en fonction de la morphologie des sites, de leur prestige et de l'époque. Attestés en France dès le XVe siècle au moins, ils relèvent de l'imaginaire des îles merveilleuses. Toutefois, l'engouement pour ces jardins, étudiés par Françoise Boudon et Marie Eugène Héraud, ne s'explique pas seulement par l'attrait pour l'univers enchanté des jardins homériques et chevaleresques. Ces jardins, préexistant aux « architectures à l'antique » modernes, dépendent d'un ensemble de connaissances techniques héritées du Moyen Âge qui s'appliquent à l'échelle du micropaysage domanial.
Ils sont en effet la conséquence d'un savoir agronomique et hydrogéologique étendu, impliquant la mise en œuvre de captages, de terrassements, de drains, de canalisations, de fossés ou de réservoirs, sur lequel s'appuie notamment Bernard Palissy pour rédiger ses Discours admirables (1580). À l'échelle de la parcelle cultivée, ils correspondent à un type polyculture original associant les profits de la pisciculture et de l'horticulture. En outre, l'eau environnante forme non seulement un obstacle aux animaux ravageurs, mais aussi un système d'arrosage par capillarité. De plus, en étant largement ouverts à la vue et à la lumière, ces jardins heurtent le « principe » claustral de l'Hortus Conclusus médiéval. L'inventaire et l'étude des jardins-îles de la Renaissance ont débuté en Val-de-Loire et en Vendée. Qu'en est-il en Bourgogne ?
Si les fontaines et les cascades des jardins de Marly ont connu un succès considérable grâce à la machine de Marly, le château et les jardins avaient été créés auparavant. En effet, le château royal a été conçu en 1679 quelques années avant les premiers travaux sur la Seine. Jusqu'en 1684, les premiers aménagements du château et des jardins, bâtis sur les plans de Jules Hardouin-Mansart, ont donc été conçus à partir de l'unique ressource disponible : les eaux de sources récupérées dans le vallon. Le chantier avait d'ailleurs commencé par la construction d'un réseau de quatre petits aqueducs et par la dérivation du ruisseau qui prenait sa source à l'emplacement du château et coulait au milieu des jardins.
Ce premier réseau hydraulique alimenta les premiers bassins, les cuisines et, grâce à la construction de réservoirs, les premiers jets d'eau des bassins. Ces ouvrages ont été redécouverts peu à peu sur le site, ils sont en outre particulièrement bien documentés : plans, marché de construction, mesures de débit, entretien... Indépendamment des grandes eaux qui en ont occulté l'existence, le réseau des eaux de source de Marly a fonctionné jusqu'à la Révolution et fournit encore, de nos jours, l'essentiel de l'alimentation des jardins.
Une étude sur les canaux de Bourgogne, conduite selon les normes de l'Inventaire général du patrimoine culturel, nous a amenés à étudier le canal de Bourgogne, le canal du Centre, le canal du Nivernais et la Seille navigable, de Louhans à La Truchère. Cette étude comprenait bien entendu tous les aspects techniques liés au fonctionnement intrinsèque des canaux mais aussi un volet plus large, s'attachant à recenser tous les éléments du patrimoine en proximité de la voie d'eau, liés ou non à son existence. De fait, un grand nombre de châteaux ont ainsi été recensés sur les voies d'eau précitées, couvrant l'ensemble du territoire bourguignon.
Les châteaux sont maîtres de l'eau sur leur territoire pendant longtemps. Comment s'est organisé le passage d'un canal induisant un bouleversement des systèmes hydrauliques préexistants ? Nous proposons d'étudier les relations entre châteaux et canaux en essayant de comprendre en quoi les canaux ont modifié les domaines de châteaux et leur relation à l'eau.
Depuis la prise en compte large de la notion de patrimoine, patrimoines naturels et culturels font l'objet d'approches qui peuvent sembler contradictoires ou tout au moins décalées. L'application de la loi sur l'eau ne relève pas de la compétence des services patrimoniaux de l'état-culture en région, mais des services du ministère de l'écologie. Pour autant, les DRAC ne s'en désintéressent pas, puisqu'à la faveur de démarches d'études ou de demandes de protection, elles sont conduites à assurer une compatibilité entre le désir de continuité écologique porté par les textes sur la protection de l'environnement et les problèmes concrets que posent le recensement, la caractérisation patrimoniale et la protection éventuelle des barrages, douves, cascades, moulins et en général les autres aménagements sur les cours d'eau fonctionnant avec les châteaux.
Ces ouvrages et aménagements posent des problèmes d'entretien et le sens de leur connaissance et conservation est posé actuellement avec acuité.
À partir de quelques cas d'école en région Centre, qualifiée de « jardin de la France », ou le Val-de-Loire est classé au patrimoine mondial de Unesco, et à partir de quelques expériences fournies par d'autres collègues, on se livrera à une présentation du sujet en privilégiant deux approches : histoire institutionnelle des compétences, droits et devoirs des propriétaires et institutions, et cas d'école concrets d'étude, protection et conservation sur quelques châteaux où l'eau sert une dimension de construction du paysage patrimonial tel qu'il nous est parvenu et assure sa fonction économique au sein d'un domaine foncier.